En 2014, l’ANSES Plouzané-Ploufragan a mené avec la ferme marine de DOUHET un challenge infectieux dans le cadre du projet de recherche européen FISHBOOST. L’objectif ? Améliorer la résistance des poissons d’élevage aux maladies infectieuses.
C’est à Plouzané dans le nord Finistère, près de Brest, que se trouve le laboratoire national de référence sur les maladies réglementées des poissons. Thierry Morin, docteur en virologie et immunologie, est le responsable de cette unité de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
Avec son équipe, il occupe une position charnière au sein de la filière piscicole, puisqu’il est d’un côté au contact des éleveurs et sélectionneurs et de l’autre, en relation avec les scientifiques spécialistes de la génétique, de la virologie, de la bactériologie ou encore de l’immunologie.
Un exemple concret : Fishboost
Afin de comprendre comment chacun intervient dans cette démarche de lutte contre les maladies infectieuses qui touchent les élevages de poissons, découvrons un exemple concret : celui du programme européen Fishboost. En 2014, le SYSAAF, le Syndicat des Sélectionneurs Avicoles et Aquacoles Français, en collaboration avec Ifremer, s’est penché sur la question de l’amélioration de la résistance du bar commun à un virus en particulier : le virus de l’encéphalopathie et de la rétinopathie (VER ; Nodavirus). Les symptômes que l’on détecte chez les poissons infectés sont divers : signes nerveux, inappétence, nage anormale, perte d’équilibre, lésions nerveuses… Pour lutter contre ce virus, une stratégie scientifique a été mise en place, fondée sur l’utilisation d’un “challenge contrôlé”. “Il s’agit d’infecter expérimentalement avec le VER une population de frères/sœurs qu’on appelle apparentés, explique Thierry Morin. Cette population est dérivée d’une sélection commerciale de bars communs élevés en pisciculture. Ensuite, nous réalisons un suivi quotidien de la mortalité pendant environ 6 semaines, afin d’identifier les familles les plus résistantes.” Le génotypage permet ensuite aux généticiens d’estimer l’héritabilité de la résistance au virus et de mettre en place une stratégie progressive d’amélioration par sélection génétique.
C’est la Ferme du Douhet, située sur l’île d’Oléron, qui a confié les lots de poissons à l’ANSES. Pour Sophie Cariou, responsable R&D au sein de cette entreprise de 54 collaborateurs, travailler avec l’ANSES Plouzané relève de l’évidence : “Ils ont une réputation nationale. Pour moi, la réalisation de challenges contrôlés passe nécessairement par eux.”
Un investissement R&D sur le long terme
Trois ans après la mise en place du projet, où en sommes-nous ? “La diversité et la complexité des informations traitées dans ces programmes de recherches nécessitent une cohésion et une organisation inter-structure très forte. La restitution des résultats arrive plusieurs années après le début de notre travail de pisciculteur”, précise Sophie Cariou. Constater que ce type de projet se déroule sur plusieurs années donne une idée de l’investissement financier nécessaire pour le mener à bien. Mais, lorsqu’on est à la fois sélectionneur et producteur, comme c’est le cas à la Ferme du Douhet, cette démarche sur un temps long est naturelle. “Notre travail de sélectionneur est de constamment améliorer les performances de nos poissons, à la fois sur le plan de la croissance, des rendements carcasses et des résistances aux agents pathogènes.”
Et demain, cette dynamique de progrès prendra encore une dimension nouvelle grâce aux avancées scientifiques de la génomique. De nouvelles méthodes de pointe permettent désormais de trouver les gènes de résistance ou les régions utiles sur le génome (dénommées QTL) pour sélectionner les poissons avec beaucoup plus de précision. La lutte contre les maladies des poissons d’élevage prendra alors une nouvelle dimension.
L’ANSES et le SYSAAF ont d’ailleurs mis en place une plateforme collaborative d’amélioration de la résistance des poissons d’élevage aux maladies infectieuses baptisée “FORTIOR Genetics”. Cette plateforme, qui permet d’ores-et-déjà de réaliser 4 à 5 challenges infectieux par an, est mise au service des pisciculteurs et des chercheurs spécialisés en génétique.