Quels modèles de méthanisation agricole en France ?

Quels modèles de méthanisation agricole en France ?

La méthanisation se développe très fortement aujourd’hui, portée notamment par le développement de la méthanisation agricole sur le territoire. Dire LA méthanisation agricole semble néanmoins abusif, puisque qu’il existe une diversité de modèles de méthanisation mis en place. L’adoption de la méthanisation ne dépend donc pas uniquement de la technologie, ni du secteur concerné. Il s’agit alors d’analyser les types d’unité de méthanisation mises en place pour comprendre l’avenir de cette filière.

Questions à Alexandre Berthe, économiste au LiRIS, unité de recherche en Sciences Humaines et Sociales à l’Université Rennes 2 et membre de l’Institut Carnot AgriFood Transition.


IC-AFT : Votre article présente de nouvelles classifications de la filière méthanisation en France basées sur des connaissances plus subjectives et qualitatives, pourquoi est-ce nécessaire ?

A. Berthe : Contrairement à d’autres énergies renouvelables, chaque projet d’unité de méthanisation (UM) est en prise avec les acteurs de trois secteurs, ceux de l’agriculture, de la gestion des déchets et de l’énergie (cf. figure). Les classifications habituelles et administratives portent sur le type de valorisation du biogaz, la nature de l’actionnariat ou encore leur caractère individuel ou collectif. Elles laissent de côté plusieurs dimensions importantes pour comprendre les formes qu’ont prises les UM existantes et celles vers lesquelles s’orientent les projets en cours. Comprendre l’évolution de la filière depuis les années 2000 et pouvoir faire de la prospective pour le futur nécessite de dépasser les typologies habituelles. Il est alors nécessaire de mettre en avant d’autres aspects de la méthanisation.

IC-AFT : Lesquels ?

A.B. La réalisation d’entretiens semi-directifs avec les agriculteurs méthaniseurs permet de capter des informations qualitatives difficilement saisissables par des questionnaires. En particulier, cela permet de mettre en évidence les relations entretenues par les porteurs de projet avec le territoire, les raisons qui ont incité à la mise en place des unités, ou encore la manière dont l’unité s’insère dans les filières existantes. Pour identifier cela, nous avons également reconstruit le niveau de rémunération associé à l’UM, ce qui est difficile à harmoniser étant donné les différents statuts juridiques des unités. Cette méthodologie nous a permis de dégager quatre stratégies de revenu possibles : 1) l’internalisation et la symbiose ; 2) le petit collectif d’agriculteurs ; 3) le céréalier en injection ; 4) l’externalisation partielle avec technologie générique.

IC-AFT : Quel avenir peut être entrevu pour la filière méthanisation à partir de ces typologies ?

A.B. : La méthanisation s’est d’abord développée sur la base de petites unités, notamment dans des exploitations de polyculture-élevage avec des intentions écologiques et de stabilisation des revenus. Aujourd’hui, plusieurs facteurs, comme la volonté publique d’aller vers une rentabilité du gaz vert similaire au gaz fossile, la disparition du verrou technologique du rebours, c’est-à-dire la possibilité de faire remonter le gaz du réseau de distribution au réseau de transport, ou la mobilisation de syndicats agricoles, a conduit au développement d’unités de méthanisation portées par des céréaliers avec des tonnages plus importants et l’injection du gaz directement dans le réseau. Pour la suite, il reste à savoir si cela va s’arrêter là ou si des agriculteurs, en lien avec d’autres investisseurs iront vers la mise en place de très grosses unités, comme celle d’Herbauges qui a eu un certain écho médiatique ces derniers jours. Dès lors, il faudra savoir si ce modèle de développement de la filière répond aux multiples enjeux en matière de maintien de l’agriculture, de gestions des déchets, de verdissement du mix énergétique et de développement territorial.

IC-AFT : Comment interviennent les politiques publiques face à ce défi ?

A.B. : L’originalité de l’intervention publique en France est de porter des politiques de soutiens à la production de biogaz et de biométhane plutôt qu’à leur consommation. Les politiques publiques interviennent donc aujourd’hui par des tarifs de rachat de l’électricité et du gaz, des subventions à l’investissement et de l’aide au montage des projets. La question se posera rapidement du maintien des modèles de méthanisation moins compétitifs d’un point de vue financier, ce qui ne dit rien de leur qualité écologique ou sociale, dans le contexte d’une diminution des aides au développement de la filière. Comment une politique publique, plutôt que d’inciter à l’unification des modèles d’unités, en soutenant certaines formes, pourra-t-elle au contraire être un terreau pour la diversité au sein de l’écosystème des entreprises de la méthanisation afin de répondre à la variété des objectifs territoriaux et nationaux ?

Source :  Les formes d’unités de méthanisation en France : typologies et scénarios d’avenir de la filière

Alexandre Berthe, Mathilde Fautras, Pascal Grouiez, Sabina Issehnane – Revue AE&S 10-1 Agronomie et méthanisation juin 2020

L’Institut Carnot AgriFood Transition est en capacité d’adresser différentes problématiques de R&D en lien avec la méthanisation :

– Caractériser les résidus organiques pour comprendre leur biodégradation

– Répondre aux enjeux scientifiques et technologiques pour ces procédés à température modérée (modélisation, caractérisation, détermination de lois de comportement),

– Et appréhender les enjeux liés à l’empreinte territoriale de ces systèmes, et à leur analyse sur les plans économique et sociologique.